Les cent nouvelles nouvelles
C'est avec les Cent Nouvelles nouvelles, que, pour la première fois dans la littérature française, apparaît un recueil de récits brefs, revendiquant l'appellation de « nouvelles ». Écrites, vers 1460, à la cour du Duc de Bourgogne, à qui l'ouvrage est dédié, elles se veulent, d'entrée de jeu, une réplique française au Décaméron de Boccace, la révérence au « modèle » n'étant, au demeurant, pas dénuée de critiques. Bien que chacune d'elles soit présentée comme un récit, oral, fait par le Duc ou un membre de la cour, nous avons, de toute évidence, affaire à une oeuvre écrite de la main d'un seul auteur. Si son nom n'a pu jusqu'à ce jour être connu avec certitude, il est, en revanche, certain, qu'il s'agit bien, même si tous ses récits ne sont pas de la même veine, d'un véritable écrivain, maîtrisant fort bien les techniques du récit bref. Sans minimiser l'apport italien, on peut dire que le recueil trouve tout naturellement sa place dans le droit fil d'une longue tradition narrative française, patiemment élaborée et affinée au cours des ans, par les auteurs de récits brefs, en particulier de fabliaux et de lais. Héritier conscient d'une longue tradition vernaculaire, l'auteur, en donnant la priorité à l'écriture sur la thématique, inaugure un authentique genre littéraire, la nouvelle, dont le principe même, l'art de bien gérer la brièveté, ne sera jamais fondamentalement remis en question au cours des siècles suivants.
Éditant le recueil en 1875, P. Jacob n'hésitait pas, dans l'Advertissement de l'Editeur, à braver la sensibilité d'un public qui « ne paraissait pas trop préparé à goûter la saveur un peu crue de cet admirable livre ». Il ne semble guère, à lire la critique moderne, que Jacob se soit montré convaincant, tant on a choisi de mettre l'accent sur la grivoiserie, réelle, de certains récits, au détriment des récits dramatiques, il en existe et ce ne sont pas les moins estimables, et, surtout, de l'humour qui court tout au long du recueil.
Devant la difficulté, pour un lecteur peu au fait des difficultés de la langue du XVe siècle, d'entrer de plain-pied dans le texte, il a paru souhaitable d'en proposer une version moderne qui s'est donné pour but de rendre sensible la saveur de l'ouvrage, sans être infidèle à son esprit.