Les chants de la fureur
Écrire sur Léo est pour moi difficile, je ne suis pas un intellectuel, mais plutôt un paysan, c'est vous dire. Je laisse le soin aux biographes et autres acolytes la tâche d'écrire sa vie, ou tout du moins ce qu'ils pensent en savoir ou en avoir compris. Mon père est pour moi comme un de ces chênes centenaires, majestueux et rares. Lorsqu'on l'aperçoit de loin on ne voit que son imposante présence, on se dit : « J'aimerais bien m'abriter en dessous, à l'ombre et au frais et me sentir au bon endroit. » En s'approchant, on commence à mieux le voir, une branche cassée par-ci, par-là, une certaine rugosité dans l'écorce, une pancarte « Interdit de chasser » clouée par un abruti, plein d'oiseaux qui ont fait leur nid et qui sifflotent, bref tout un petit univers. On s'aperçoit aussi que peu ou pratiquement rien d'autre que lui ne pousse en dessous. C'est la loi du plus fort ! Et c'est bien ainsi.
À l'occasion des vingt ans de la mort de Léo Ferré en juillet 2013, les Éditions La mémoire et la mer et les Éditions Gallimard publient pour la première fois une anthologie des textes de Léo Ferré.
S'étalant sur une période de cinquante ans, Les chants de la fureur regroupe aussi bien les textes, plus ou moins connus, des chansons de Ferré que son roman Benoît Misère et d'autres récits - comme le long texte La
Mémoire et la mer -, sans oublier des inédits. Au fil des ans, nous assistons à la transformation d'un auteur qui se libère progressivement des carcans traditionnels de la chanson pour tendre vers une prose poétique libre, à la fois sombre et révolutionnaire, qui illustre si bien ce vent de folie qui souffla en France dans les années 70.