Comment la Côte d'Ivoire, longtemps considérée comme un pays africain d'exception, par sa stabilité politique, sa croissance économique et son apparente capacité à intégrer une nombreuse population immigrée provenant des pays voisins, s'est-elle retrouvée piégée par des divisions qui ont failli la faire sombrer dans la guerre civile ?
Tout en faisant une large place au récit des événements qui ont jalonné la dernière décennie - notamment la crise spectaculaire consécutive à l'élection présidentielle de novembre 2010 - et dans lesquels la France s'est trouvée fortement impliquée, Jean-Pierre Dozon nous donne ici les clefs d'une meilleure compréhension de ce processus apparemment inexorable de désunion et de brutalisation de la société.
Il nous invite d'abord à revenir aux lendemains de la fin du règne de Félix Houphouët-Boigny, une période marquée à la fois par un contexte de démocratisation de la sphère publique et par un épuisement du modèle de développement qui avait eu cours jusqu'alors et dont l'immigration était partie prenante. Une succession politique impréparée, grosse de rivalités irréductibles, et une idéologie de « l'ivoirité » passablement inquiétante, conduisirent au coup d'État de 1999.
Mais il nous convie aussi à creuser davantage sur les racines de la crise en remontant plus loin dans le temps, c'est-à-dire au legs de la colonisation française et, en particulier, à la façon dont celle-ci a généré des inégalités ethnico-régionales, et ensuite aux modalités de la naissance d'une société politique ivoirienne marquée par l'ascension d'Houphouët-Boigny et de son parti, mais aussi par les ressentiments des opposants évincés : des héritages contradictoires que trente ans de « miracle ivoirien » ne réussirent manifestement pas à effacer.
Il esquisse en conclusion des propositions d'avenir tenant compte de l'emboîtement de ces expériences historiques.