Au moment où le collège unique est devenu un lieu de souffrance pour nombre d'élèves et d'enseignants, il est utile de revenir à la source de la pensée démocratique en éducation et de se souvenir que d'autres formes de scolarisation, plus attentives à la diversité des élèves, ont été imaginées. À la fin de la première guerre mondiale, un collectif de combattants universitaires, les « Compagnons » de L'Université nouvelle, dénoncèrent avec une vigueur inouïe la séparation existant alors entre l'école primaire gratuite, pour les enfants du peuple, et l'enseignement secondaire payant, pour ceux de la bourgeoisie. Pour reconstituer les forces vives de la nation décimées par la guerre, ils voulaient prolonger dans la paix la solidarité entre classes, en refondant l'école républicaine sur des bases de justice sociale pour les individus et d'efficacité économique pour la collectivité.
Grâce à d'amples citations, qui mettront des sources méconnues à disposition des chercheurs et des lecteurs curieux, Bruno Garnier redonne la parole à ce collectif d'universitaires au-dessus des partis, désireux de faire prévaloir l'égalité républicaine dans le respect des différences. Près d'un siècle plus tard la question centrale posée par les « Compagnons » demeure d'actualité : comment l'École peut-elle sélectionner l'élite et en même temps offrir à tous les enfants des parcours de réussite ?