Les corps meurtris
Investigations judiciaires et expertises médico-légales au XVIIIe siècle ?
La médecine légale s'ancre depuis longtemps dans les savoirs naturalistes et normatifs qui mettent en signes et sens judiciaires le corps meurtri. Connus des Romains selon le Digeste, en place dans les coutumiers médiévaux, imposés par la législation des États absolutistes dans les cas de grossesse illégitime, d'infanticide, d'empoisonnement et de blessures mortelles ou non, devenus routiniers et réglés par des Édits multipliés au temps des Lumières dans le cadre de la justice pénale, les savoirs médico-légaux s'imposent comme la médecine du crime. La médecine légale, qui s'est construite comme une science depuis le XIXe siècle entre la scène du crime, l'université, la morgue, le laboratoire et les cours de justice, a une histoire qui remonte à la Renaissance au moins.
En atteste cet ouvrage constitué d'archives. Il donne à lire un corpus inédit d'environ 400 expertises médico-légales que signent au XVIIIe siècle à Genève des chirurgiens et des médecins assermentés en justice. Autour des enjeux judiciaires de l'expertise médico-légale qui limite l'arbitraire du juge, cette documentation permet d'historiciser la fabrique institutionnelle et sociale du savoir médico-légal sur le terrain du crime. L'investigation judiciaire et les expertises médico-légales qualifient et mesurent les conséquences morbides du passage à l'acte suicidaire ou criminel. Par l'objectivation naturaliste des plaies et des traumatismes, les experts mettent en indices judiciaires les corps meurtris.