L'erreur tragique que commit Heidegger en 1933, en croyant sincèrement
que le chef du parti national-socialiste ouvrier allemand, Adolf Hitler,
pouvait sauver l'Allemagne de sa misère et de sa détresse, a fait l'objet de
nombreuses polémiques aveugles. Par un examen rigoureux des documents
et des archives nazies, cet ouvrage s'efforce de dissiper les malentendus
habituels et d'établir le sens réel de ce "rectorat de 1933", et la place qu'il
occupe dans l'ensemble du "chemin de pensée" de Heidegger, du séminaire
de Constance au rectorat de Fribourg. Suivant pas à pas la formation de cette
pensée, il est montré que seule une interrogation sur le stade ultime de la
métaphysique occidentale et son achèvement dans la technique mondiale,
rend compréhensible le sens que ce philosophe crut reconnaître au mouvement
national-socialiste allemand. L'erreur politique de Heidegger, dont
il n'est pas question de nier la gravité, ne nous apparaît en pleine lumière
qu'avec l'élucidation des figures qui traversent l'horizon de cet achêvement,
celle de Nietzsche, de Rainer Maria Rilke, de Trakl qui, tous tentèrent un
même passage hors des déserts et de la nuit métaphysique de l'Occident.
Tout cela Nietzsche, le chercheur passionné de Dieu et dernier penseur de la
métaphysique occidentale, le savait bien lorsqu'il s'écriait : "Ne voyez-vous
pas venir la nuit et toujours la nuit ?".