La Suisse de 1939 à 1945 se caractérise par une relative tolérance envers l'homosexualité. Depuis 1942, le Code pénal suisse dépénalise les relations entre adultes consentant-e-s dans l'ensemble de la Confédération. Zurich accueille la seule association homosexuelle existant au monde durant ces années.
Cette image d'Épinal a longtemps rendu invisibles les vécus quotidiens de l'homosexualité. Cet ouvrage offre un regard inédit en se fondant sur des sources jusqu'alors inexplorées provenant de la justice militaire. Le Code pénal militaire punit en effet les relations sexuelles entre hommes depuis 1928, et la mobilisation générale amène à un paroxysme permettant de dévoiler un ordinaire habituellement masqué. Quelque 120 affaires sont instruites par la justice militaire avec le concours des polices militaires et civiles, des autorités communales et, parfois, du Service sanitaire de l'armée ou de médecins civils. Ces affaires permettent de mettre en évidence, au-delà de l'interdiction de l'homosexualité au sein de la troupe, une marge de liberté dans les grandes villes, mais aussi la surveillance policière et un opprobre social tenace.
La relative tolérance envers l'homosexualité s'inscrit comme un compromis entre un progressisme et un conservatisme politique, juridique, voire médical, qui diffère selon les régions du pays ou l'origine sociale des prévenus.