À la fin du XVe siècle, lorsque les navigateurs européens abordent les îles des Petites Antilles,
ils découvrent une humanité qui les étonne autant qu'elle les horrifie et qu'ils qualifient aussitôt
de cannibale, toute différente de celles des îles des Grandes Antilles. Le "Taino-Arawak"
des grandes îles est doux comme le "Caraïbe" des petites îles est anthropophage. Cette caractéristique
et cette opposition semblent occulter tous les autres aspects de ces sociétés. Mais
tous les premiers témoignages, très partiels pour la plupart, ne sont pas exempts du poids
de l'imaginaire des Européens d'alors. Si les archives conservent quelques traces des contacts
entre Espagnols et Caraïbes, celles-ci ne font guère mention que d'événements ponctuels :
attaques, razzias, massacres. Très vite, les Espagnols se désintéressent des populations de
ces îles. Les grands empires américains sont désormais au centre de leurs préoccupations.
Il faudra attendre le XVIIe siècle et les colonisations française, anglaise et hollandaise, qui
déversent à nouveau sur les rivages de ces petites îles des Européens, pour avoir des récits
sur ce monde étrange qu'ils abordent et qu'ils entendent peupler mais qui leur oppose une
farouche résistance.
Mais ces "Caraïbes insulaires" des Petites Antilles sont-ils restés les mêmes qu'à l'époque de
la découverte ? Si les récits des chroniqueurs dépeignent pour la plupart un monde quasi
immobile, l'historien sait qu'en un ou deux siècles, le monde caraïbe a très certainement
changé, ce que confirment indirectement certains auteurs. Mais ces changements ne sont
probablement ni les premiers, ni les seuls. C'est à la recherche des Indiens caraïbes que nous
avons dédié cette quête, depuis les migrations précolombiennes jusqu'à la colonisation française
du XVIIe siècle.