« Si le mot amour est prononcé entre eux je suis perdu », dit le comte Mosca en voyant s'éloigner la voiture qui emporte la Sanseverina et Fabrice. Le propos de Stendhal méritait d'être analysé. Du rôle que joue l'amour dans l'apparition du langage, significatif dans le Véda comme dans les jeux de Brisset, à la valeur du silence dont témoigne la légende de Tristan et Iseut en passant par le pouvoir des mots d'amour tantriques, cet essai relève nombre des interactions de l'amour sur le langage.
Chacun à sa manière, Blake, Fourier et Bataille démontrent qu'il n'est possible de dire l'amour qu'en transgressant le langage ordinaire. De leur côté, parlant d'amour, les sorcières comme les kabbalistes parlent à côté de ce qu'ils disent. À eux seuls ces décalages prouvent déjà que le langage de l'amour est une parole sacrée. Les poèmes gnostiques comme les romans de la Quête du Graal ou l'Hypérion de Hölderlin, par leur seule beauté, le confirment. Au reste, les adamites et les troubadours ne l'ont-ils pas associé à la musique des sphères ? Et si le langage lui-même n'était que le signe d'une blessure d'une chute, le sang de l'Androgyne ?