Ce récit est profondément marqué par un paysage d'eau : la Saône,
les ruisseaux, les marais, les étangs et les eaux souterraines qui finiront
par pourrir et détruire la maison familiale, quelque part entre Lyon et
la Dombes. François, le narrateur, dont le père a été tué à la Grande
Guerre, se lie dès sa jeune enfance avec un cousin «retardé», et atteint
d'un diabète méconnu qui lui donne une soif inextinguible, d'autant
plus frappante que l'eau est partout.
À travers cette grande amitié, nous découvrons la vie des paysans dans
les saisons, et aussi les figures familiales : la mère, veuve de guerre,
oncle Paul le sportif, oncle Lazare dont les originalités confinent
parfois à la folie et sa femme anglaise Flo qui, bien que souvent
«patraque», tente d'éduquer son enfant anormal et finira par sacrifier
sa vie.
Plus tard, François s'installe en ville, à Lyon. C'est la première
séparation avec le cousin dont le nom change au cours des années :
Frédéric, Bill, Baby, le Bouib, le Babouin... Noms ou surnoms
dérisoires donnés par le père dans une lucidité désespérée.
Le temps est ponctué par les retrouvailles dans la maison qui se
dégrade lentement. François et son cousin, si étrangement accordés
dans leur enfance, n'avancent plus au même rythme. François se
développe, s'enrichit, tandis que le Babouin stagne, reste dans
sa définitive immaturité. Quand, à la fin du livre, il meurt, il était déjà
loin, très loin du narrateur.
Ce livre fin et sensible, mélancolique, n'est pas seulement l'histoire
d'une enfance et d'une étrange amitié. Toute une société y est peinte,
sans qu'il y paraisse, un monde simple qui s'efface peu à peu, emporté
par le temps comme la maison familiale est minée par les eaux.