La philosophie a-t-elle à voir avec la Bible ? N’est-ce pas plutôt l’affaire de spécialistes, parmi lesquels on peut citer théologiens, exégètes ou historiens ? La Bible occupe une place telle dans la culture occidentale que la philosophie l’a nécessairement rencontrée comme « objet culturel ». Mais rien de plus ? Notre ouvrage veut au contraire montrer qu’on peut concevoir la Bible comme un objet philosophique à part entière. Pour des penseurs aussi différents que Maïmonide, Spinoza, Rousseau, Nietzsche ou Ricœur, s’affronter au texte biblique, dans sa richesse immense et sa complexité extrême, c’est bien rencontrer des enjeux théoriques : le rapport entre foi et savoir, bien sûr, mais aussi la question des fondements de la morale, de la place du religieux dans la culture, du rôle des mythes etc. Au cœur de toutes ces questions, domine le problème central de l’interprétation. Les auteurs présents dans cet ouvrage, qui couvre deux millénaires (de Philon d’Alexandrie à Paul Ricœur), ne prennent jamais les Écritures pour une donnée : au contraire, il s’agit de trouver la clef d’entrée, qui permet au philosophe d’être un herméneute original, à la fois dépendant des traditions et sciences de l’exégèse, et libre d’inventer ses propres règles interprétatives, pour tirer de la Bible ce qu’aucune science positive ne peut donner : chercher des pensées déposées dans des textes non théoriques, mais capables de libérer des effets d’une rare puissance. Si la philosophie est confrontation du concept à la multiplicité de l’expérience, cette dernière se présente ici non sous la forme du monde sensible, mais d’un monde de lettres, sans cesse à déchiffrer.
Alexandre Abensour, ancien élève de l’École Normale Supérieure (Ulm), agrégé de philosophie, enseigne en CPGE économiques et commerciales au Lycée Saint-Jean de Douai et en Lettres Supérieures au Lycée Sainte-Marie de Neuilly.