Les princes de Condé, cousins des rois Bourbons, appartenaient à une
lignée de gentilshommes malcontents, où se perpétuaient l'insubordination
et le devoir de résistance au souverain. Coutumiers des prises d'armes
spectaculaires, ils s'inclinèrent pourtant, après la Fronde, devant la toute-puissance
de Louis XIV. Aussi leur conversion en courtisans parut-elle emblématique
du sort d'une haute noblesse tombée tout entière «de révolte en
servitude».
Au-delà de cette image des grands fauves «domestiqués», Katia Béguin
révèle les motifs de la lente conversion des Condé à l'obéissance, entre le
ministériat de Richelieu et le crépuscule du Roi-Soleil. À la lumière d'archives
inédites, elle réexamine les fondements de la suprématie de cette
famille illustre, en un temps où l'affermissement de l'autorité du roi paraît
anéantir toute forme d'influence et de prestige rivale de la sienne.
Ce livre démonte les ressorts politiques de l'État absolu à partir du comportement
de ses victimes présumées. Il explique l'énigmatique fronde du
Grand Condé, survenue après deux décennies de coopération intéressée
des siens avec la monarchie. Il explore les liens de pouvoir et de fidélité
qui fédèrent le monde clos des clientèles princières, d'un pôle à l'autre du
siècle. Leur stabilité impressionnante, à l'heure où l'emprise du souverain
s'étend aux mécanismes de récompense et de promotion, dévoile la raison
d'être d'un patronage aristocratique efficace et d'un mécénat dont l'éclatante
vitalité, à Chantilly, semble un défi à l'hégémonie de Versailles.
La mutation des rebelles en courtisans n'est pas un banal épisode de l'histoire
des vaincus ; le destin singulier des princes de Condé au Grand
Siècle découvre aussi les coulisses du règne solennel et autoritaire de
Louis XIV.