Cette étude met en évidence l’importance de l’incarcération dans la formation du roman moderne (XVIIe-XVIIIe siècles). Le thème prédominant (crainte d’emprisonnement, description de l’univers des geôles) est le reflet et le symptôme d’inquiétudes d’un genre en plein essor, obsédé par le risque de censure mais dynamisé par des tours d’énonciation inédits et par la passion de l’affranchissement des contraintes. Héritant de Socrate ou de saint Paul (la prison, épreuve de vérité), les picaros d’Alemán, Quevedo, Sorel, Cyrano, Lesage, Prévost, Voltaire ou Diderot offrent des caricatures burlesques oscillant entre mobilité et fixité. Par des lectures astucieuses on redécouvre ces romans majeurs sous un éclairage radicalement nouveau – à l’ombre d’une Bastille encore inamovible.