C'est la grande affaire des Lumières : on n'échappe guère à la
petite vérole qui tue et défigure. Apparaît alors en Europe une
méthode d'immunisation pragmatique, l'inoculation, remède
dangereux pour les uns, poison salutaire pour les autres : il s'agit
de contaminer un sujet sain pour tenter de contrôler l'évolution
du mal. L'impact sur les mentalités comme sur l'imaginaire est
immédiat et sera durable. Les inoculistes suscitent admiration,
opprobre, méfiance. Leur pratique révèle ou aiguise les
interrogations, les hantises et les espoirs du siècle. Voyageurs,
scientifiques, journalistes, écrivains ou librettistes entrecroisent
leurs discours. Les femmes ne laissent pas de jouer un rôle
essentiel dans le débat.
De la littérature à la religion, de la philosophie à la médecine,
de la mode aux mathématiques en passant par la politique, aucun
domaine n'échappe à l'étude que propose Catriona Seth de ce
fait culturel global. Tout en apportant une contribution de choix
à l'histoire des représentations, elle soulève des questions qui
restent les nôtres : les devoirs de l'État en matière de santé
publique, le lien entre risque individuel et bien collectif, le droit
pour chacun de disposer de son corps, la relation de l'homme à la
maladie et à la mort. À l'heure du questionnement bioéthique,
cette enquête est décisive.