À partir de l'opération «Mains propres», la chaîne de
scandales qui a transformé l'Italie entre 1992 et 1994,
ce livre a pour objet les scandales en général et les
scandales «politico-financiers» en particulier. Selon les
époques et les pays, ces scandales revêtent des formes
et des amplitudes diverses, mais ils ont en commun de
mettre aux prises des acteurs issus des secteurs politique,
judiciaire, journalistique et économique. Ce sont les
rapports à l'intérieur et surtout entre ces univers sociaux
qui font et défont chaque scandale. En reconstituant
les conditions d'émergence de l'opération «Mains
propres», l'auteur montre comment les relations entre
des magistrats, des avocats, des politiciens, des
entrepreneurs et des journalistes ont impulsé une
concaténation de scandales politiques sans précédent.
Cette dynamique de crise a dépendu de la concomitance
de fortes oscillations des perceptions du possible parmi
différents types d'intervenants. Contingentes et réversibles,
ces nouvelles anticipations n'en facilitaient pas moins
des engagements insolites. Des acteurs ont soudain fait
des choses qu'ils n'avaient jamais pensé pouvoir faire.
Le pool «Mains propres» a bénéficié d'une centralité
exceptionnelle, des réseaux de pouvoir consolidés se
sont effondrés et de nombreux leaders politiques ont
été délégitimés. Dans cette perspective, l'accès de
Silvio Berlusconi à la présidence du Conseil en 1994
peut être compris comme l'un des principaux effets
émergents de ces scandales en série. Le scandale prend
place si et seulement si des acteurs mettant en cause la
probité d'autrui peuvent s'appuyer sur des mobilisations
multisectorielles, c'est pourquoi les évaluations des acteurs,
qui peuvent fortement évoluer dans le cours de l'action,
constituent l'élément moteur du scandale.