Longtemps, les sciences sociales se sont désintéressées de
la guerre et des armées. Malgré l'évidence du rôle que joue
le maniement de la force dans l'Histoire, les théorisations
dominantes de l'action sociale, de l'ordre qui prévaut dans
les sociétés et du changement qui les affecte, restent sans
lien avec la littérature qui lui est consacrée - largement
méconnue en dehors d'un milieu étroit oeuvrant dans les
marges. C'est à cette lacune que tente de remédier cet
ouvrage. Il le fait en postulant une unité du champ militaire
que des traitements jusqu'ici éclatés ne permettaient pas
d'envisager, et des spécificités dont la Modernité réduit
peu à peu, sans les annihiler totalement, le périmètre
et l'effectivité. Il propose un cadrage conceptuel et
méthodologique, une cartographie des thématiques,
et met au jour des tendances longues et des logiques
susceptibles de s'incarner diversement selon le contexte ;
il caractérise la littérature accumulée sur ces sujets depuis
le XIXe siècle, et compare les approches adoptées, dont il
recense les succès et les échecs ; il évalue les contributions
respectives des diverses disciplines dans un domaine que
(plus que d'autres) marque l'interdisciplinarité ; il offre
une typologie des modes de production de connaissances
dans le champ, et esquisse une sociologie des acteurs de
la recherche en son sein ; enfin, il suit l'évolution récente
de ses divers objets, pour tenter de situer leur avenir, celui
des modalités de leur étude, et du milieu spécialisé dont
c'est la vocation. Il conclut en cherchant une ligne de crête
tenable entre un évolutionnisme qui voit le monde se
pacifier et le réalisme prudent que conseille l'expérience
historique.