La lutte contre l'argent sale fait, depuis la fin des
années 1980, l'objet d'une mobilisation internationale
sans précédent. Faute de pouvoir s'en prendre directement
aux auteurs des activités illégales (trafic de
drogue, armes, corruption, terrorisme), la communauté
internationale a entrepris de bloquer leurs flux
financiers. Les banques se sont ainsi retrouvées à
l'avant-poste de ce combat, contraintes d'adapter leur
logique jusque-là exclusivement commerciale à une
mission de police : détecter, et au besoin déclarer, les
transactions jugées douteuses. Aujourd'hui, le dispositif
bancaire de vigilance, équipé d'outils de filtrage,
de profilage et de gestion des risques, concerne
tous les clients et toutes les opérations.
Tout au long d'une enquête sociologique originale,
les auteurs de ce livre ont tenté de comprendre
comment les banques avaient fini par accepter une
mission contraire à leurs principes de protection du
secret et de non-intrusion dans les affaires de leurs
clients. Au fil de nombreux entretiens, ils ont cherché
à cerner les profils de spécialistes (banquiers, mais
aussi anciens policiers et magistrats), les outils et les
pratiques privilégiés. Alors que ces acteurs privés
apparaissent tiraillés entre leurs impératifs professionnels
et la menace de sanctions de la part d'institutions
aux attentes imprécises, se pose la question de
la légitimité et de l'efficacité de cette nouvelle forme
de policing financier inaugurant une forme de collaboration
inédite entre les milieux bancaire et policier.