Chants maoris ou altaïques, cérémonies indiennes, épopées
et louanges d'Afrique, hymnes d'Égypte ou du Pérou,
cosmogonies d'Asie centrale, du pays Dogon, d'Australie,
légendes d'Irlande et de Chine, inscriptions sumériennes, rites
de possession, définitions aztèques, «poèmes en prose» esquimaux...
Les Techniciens du sacré présentent tout d'abord un
corpus exemplaire de textes «traditionnels», de toutes provenances
géographiques et temporelles. Mais loin de s'en
tenir à une approche strictement documentaire, Jerome
Rothenberg a composé son ouvrage comme une anthologie
«active», inscrite dans le présent, développant au fil de nombreux
Commentaires un singulier parallèle entre ces textes
immémoriaux et la poésie du XXe siècle. Selon lui, les diverses
révolutions modernes ont en effet replacé les créateurs (et
singulièrement les poètes) dans une posture qui n'est pas
sans équivalent - au moins à titre analogique - avec celle
des chanteurs, chamans ou devins des sociétés dites «sans
écriture», en leur confiant le soin d'arpenter les domaines
que recouvre la part obscure du langage : le rêve, les visions,
la parole des morts...
Composé au beau milieu de la grande tornade utopique
et rebelle des années 1960, ce livre a eu outre-Atlantique une
influence notable sur la poésie de son temps. La version qu'en
propose Yves di Manno rouvre aujourd'hui ce débat, dans le
contexte français.