Michelin est l'une des entreprises françaises les plus connues dans le monde, qui reste intimement liée à la ville de Clermont-Ferrand. Ce lien s'appuie sur une réalité industrielle, sociale, économique, urbaine mais aussi sur un ensemble de récits qui constituent un véritable mythe visant à justifier son esprit d'entreprise. Depuis plus d'un siècle, celui-ci organise la vie de l'entreprise mais aussi l'univers quotidien local. Cependant, les transformations notables du capitalisme à partir des années quatre-vingts, avec la fin du paternalisme, la diminution des effectifs et la baisse du nombre d'ouvriers au profit des cadres, ont peu à peu dévoilé l'idéologie de « l'esprit Michelin ». L'émergence d'un sentiment d'abandon est ainsi à l'origine d'une déconstruction du mythe Michelin qui reste pourtant timide. De nombreux salariés et Clermontois ne sont, en effet, pas prêts à assister à sa chute symbolique qui entraînerait celle d'un système structurant.
L'enquête ethnographique présentée dans cet ouvrage commence en 1999 avec la passation de pouvoir de François Michelin, patron charismatique de la période paternaliste, à son fils Édouard, représentant des évolutions du capitalisme néolibéral. Elle se termine en 2006, année de la mort accidentelle de ce dernier patron de la famille Michelin, faisant de cette recherche un témoignage des évolutions de « l'esprit du capitalisme » qui transforment en profondeur le rapport salarial et les relations des entreprises à leur territoire.