James Baldwin et Teju Cole
Leukerbad 1951/2014
Été 1951 : James Baldwin est le premier Noir qui séjourne à Leukerbad (Haut-Valais). Les enfants crient « Neger ! » dans les rues, les gens le dévisagent : est-il vraiment américain, cet homme qui ressemble aux indigènes d'Afrique ?
Dans « Un étranger au village », texte virtuose et puissant, Baldwin décrit le racisme primaire de ce village au bout du monde et le fait résonner avec l'humiliation que les Noirs subissent aux États-Unis.
Été 2014 : Teju Cole se rend à Leukerbad. Lui n'est pas dévisagé dans la rue, les enfants n'essaient pas de toucher ses cheveux ; mais des émeutes viennent d'éclater dans la ville américaine de Ferguson, après l'assassinat d'un Noir de dix-huit ans par un policier blanc. Dans « Corps noir », Cole entame un dialogue avec Baldwin. Soixante ans les séparent, un lieu les réunit, et même si les choses ont changé, le racisme persiste.
« Tout le monde au village connaît mon nom, bien qu'ils l'utilisent rarement, tout le monde sait que je viens d'Amérique - bien que ça, apparemment ils n'y croiront jamais tout à fait : les hommes noirs viennent d'Afrique - et tout le monde sait que je suis l'ami du fils d'une femme qui est née ici, et que je loge dans leur chalet. Mais je demeure le même total étranger que le jour de mon arrivée, et les enfants crient «Neger ! Neger ! » quand je marche dans les rues.»
James Baldwin
« L'espace d'un instant, l'ancêtre avait pris possession de son descendant. Ce fut un moment d'identification absolue. Et les jours suivants, dans ce village suisse, ce moment continua de me guider. »
Teju Cole