Ce livre tente de comprendre la stagnation de la «civilisation
musulmane» dans le theologico-politique. C'est aujourd'hui,
parmi toutes les civilisations du monde, la seule exception,
puisque les pays d'Asie par exemple ont globalement réussi
leur entrée dans la modernité, parfois en gardant subtilement
leurs traditions (cf. le Japon et la Chine). L'originalité de
Redissi consiste à passer en revue les éléments de cette exception
(religieuse, politique, économique, sociale, culturelle)
pour montrer où elle se fixe (par exemple, dans la forme
presque toujours autoritaire du politique, ou dans les formes
patrimoniales de l'économie dominée par la rente et non
par le travail...). Surtout, il met en lumière une «erreur» qui
traverse l'islam depuis le début : l'idée que l'islam n'a aucun
problème avec la raison et la rationalité scientifique, l'idée
aussi que l'islam est laïc par définition, qu'il se concilie sans
peine avec l'économie moderne, la démocratie, etc. Il y a là
un point aveugle, sur lequel même les réformistes n'ont guère
été lucides, car les ruptures nécessaires, par exemple la séparation
de la religion et de l'État, ne s'accommodent guère de
ces visions conciliatoires, qui n'aboutissent qu'à des demimesures,
et même à une absence de mesures politiques. Faute
de payer le prix de la modernisation, les pays d'islam végètent
dans des semi-modernités, où, en dernière instance, le religieux
a toujours le dernier mot et fait peser sa chape sur les
sociétés et les individus musulmans.
Ce livre original apporte beaucoup d'informations inédites
sur la situation (sociale et éducative, par exemple) des pays
arabo-musulmans.