Cet essai se situe en marge des écrits sur l'art de
Malraux. Il a été écrit tandis que je préparais l'édition
de La Métamorphose des dieux dans la bibliothèque
de la Pléiade. Depuis longtemps il s'agissait, pour
quelqu'un qui avait découvert jeune, dans Les Voix
du silence, la conception de la création artistique que
Malraux y avait exposée, qui en avait ensuite reconnu
la consonance baudelairienne, de mettre ces idées à
l'épreuve de son expérience personnelle. C'était du
même coup les confronter, sur ce terrain de vérité
qu'est chaque fois notre expérience de l'oeuvre, aux
conceptions contraires de Bourdieu, de Lévi-Strauss
ou de Blanchot, qui ont valeur de repères dans notre
univers intellectuel. (Blanchot, pour sa part, avait,
dans une étude datant des premiers écrits sur l'art de
Malraux, établi avec la pensée de celui-ci un véritable
dialogue qui mérite qu'on s'y arrête.)
Le point d'aboutissement de chacune de ces conceptions
est une définition du musée. Est-il lieu d'exclusion,
de dénaturation, d'aliénation, ou au contraire
d'accomplissement et de partage ? Sans doute, pour
répondre à cette question, faut-il avoir la chance
d'avoir été initié à ce monde de l'art que chaque
musée concrétise dans les oeuvres qu'il présente. Mais
il faut aussi avoir pris l'habitude de les fréquenter.