Entre récit et méditation, magie et érudition, entre roman et Mémoires,
poésie et histoire, Marguerite Yourcenar invente, avec Mémoires d'Hadrien
(1951) une forme unique et universelle, à l'image de son protagoniste,
homme d'exception et pourtant sans cesse «relié à tout». La présente
étude se propose de suivre les liens ainsi tissés par l'auteur entre
son personnage et les hommes, tous les hommes, dont il est, sinon le modèle,
du moins le miroir, mais aussi d'explorer le labyrinthe d'une oeuvre
dont la complexité générique reflète les subtils miroitements de l'existence
humaine. En remontant aux sources d'une culture éblouissante, Marguerite
Yourcenar rompt en effet avec la malédiction de Narcisse : à travers
Hadrien, elle invite le lecteur à une contemplation qui volontiers s'élève
jusqu'à l'extase, mais sans jamais se départir d'une exigeante lucidité. Du
soleil de Rome aux nuits lumineuses de l'Orient, elle recompose ainsi un
monde qui, sous les apparences du plus pur classicisme, s'avère tout ensemble
éminemment moderne et humaniste.