Quel crédit accorder aux images pour la connaissance du passé ? Quel usage faire, en histoire, de ce que nous appelons œuvres d'art ? Quel type de sources constitue les documents figuratifs ? C'est la longue genèse de questions très actuelles que retrace ici Francis Haskell, pour la première fois systématiquement.
Elle oblige le grand historien d'art d'Oxford à un parcours savant, de la Renaissance aux débuts du XXe siècle. Comment l'étude des objets et des monuments imagés est longtemps restée le domaine des «antiquaires», collectionneurs et érudits qui, à travers toute l'Europe, ont mis au jour un énorme matériel de portraits, bustes, sculptures, statues, monuments funéraires et effigies de monnaies, considérés comme la voie d'accès privilégiée à la compréhension des sociétés disparues, en particulier l'Antiquité. Comment, au XVIIIe siècle, historiens et philosophes, avec Voltaire, ont commencé à reconnaître l'importance de ce matériel et à s'appuyer sur les sources visuelles pour fonder une histoire de la culture et de la civilisation. Comment cet intérêt culmine, pendant la Révolution, dans le musée des Monuments français où Michelet a découvert sa vocation, et quel type d'attention ont après lui accordé à l'art et à ses œuvres tous les penseurs du passé, de Gibbon, Ranke et Mommsen à Ruskin, Burckhardt et Huizinga.
On mesure l'ampleur des questions théoriques et même philosophiques qui courent à travers cette enquête : elles portent sur le statut des images, ce qu'elles ont de spécifique et d'irremplaçable par rapport aux témoignages écrits ; ce qu'elles font voir de l'invisible ; sur ce que la dimension esthétique ajoute ou retire, interdit ou autorise au regard de l'historien.