Communiste et charmeur, cégétiste et volage : tel
était Lulu, mon père. Menteur aussi, un peu, beaucoup,
passionnément, pour couvrir ses frasques, mais aussi
pour rendre la vie plus belle et inattendue.
Lulu avait toujours une grève à organiser ou des
affiches à placarder. La nuit venue, il nous embrigadait,
ma mère, mon frère et moi, et nous l'aurions suivi au
bout du monde en trimballant nos seaux de colle et nos
pinceaux. Il nous faisait partager ses rêves, nous étions
unis, nous étions heureux.
Évidemment, un jour, les lendemains qui chantent
se sont réduits à l'achat d'une nouvelle voiture, et Che
Guevara a fini imprimé sur un tee-shirt.
Le clan allait-il survivre à l'érosion de son idéal et
aux aventures amoureuses que Lulu avait de plus en plus
de mal à cacher ? Collègues, voisines, amies ; brunes,
blondes, rousses : ses goûts étaient éclectiques. Lulu était
très ouvert d'esprit.
Sans nous en rendre compte, nous avions dansé sur un
volcan. L'éruption était inévitable.