Il y a un pari d'envergure, presque une provocation, à montrer
l'ampleur et l'acuité des méthodes pratiques qui tissent le propos
de Husserl dans un texte qui a été considéré par ses interprètes
comme le livre le plus «métaphysique», à savoir celui où l'auteur
prend parti pour une thèse philosophique souvent jugée éculée :
l'idéalisme. Tout le destin de la phénoménologie s'est joué autour
d'une prise de position contre son «tournant idéaliste» en 1913,
Heidegger ayant ouvert les hostilités, suivi par Sartre, Ricoeur,
Derrida et Levinas. À rebours de cette herméneutique constitutive
de la critique philosophique, l'auteur cherche ici à faire
voir un Husserl «praticien», «épistémologue», c'est-à-dire peu
soucieux de défendre une position métaphysique. Cette épistémologie
pratique de la phénoménologie peut être caractérisée
comme un «empirisme transcendantal». Par là, un sens de la
vérité émerge, qui puise sa validité dans l'expérience native du
lecteur, c'est-à-dire dans son aptitude à vérifier par lui-même
l'accord du concept en relation avec son vécu. La lecture expérientielle
proposée prend alors un tour pragmatique, à l'horizon
d'un renouvellement de la phénoménologie comme pratique.