Nul mieux que le cinéma renseigne sur nos manières de voir qui se développent et se transforment sous nos yeux. Regarder sa main, détourner d'elle son regard, attraper l'oeil, enfin toucher pour voir, sont des gestes que le cinéma réinvente, des imaginaires tactiles qu'il ouvre à notre raison. Or, l'analyse de ces gestes permet de repérer des périodes de mutation pour la vision et de ses inventions instrumentales : le XXIe siècle contemporain, le XIXe siècle positiviste, la Renaissance, enfin la Préhistoire que les films revisitent, du classicisme hollywoodien à l'extrême contemporain, en passant par l'essai documentaire et le film expérimental. L'oeil détourné désigne dans ce livre cette histoire oblique du cinéma, que suppose la mise à distance de l'acte de voir. Nouée à l'oeil par le montage, la main déjoue les cadres figés de nos façons de regarder et dessine d'un film à l'autre les contours de l'homme contemporain : métamorphosé par l'animal, hanté par les machines, abîmé par le travail.