Il est urgent de mettre Lorand Gaspar à la place qui doit lui revenir dans le concert des poètes penseurs de la seconde moitié du xxe siècle et du début du xxie. La singularité de sa position explique son relatif retrait : il a vécu loin des cercles littéraires parisiens, ayant exercé la médecine en Palestine puis en Tunisie?; jeune polytechnicien hongrois avant guerre, il a choisi la langue et la nationalité françaises à l’issue de cette guerre en même temps que l’exercice de la chirurgie comme moyen terme entre ses deux passions, l’art et la science. Les dix chapitres de cet essai restituent l’ampleur de la culture du poète dans sa relation aux sciences humaines (et sa résistance à la forclusion structuraliste du signe), à la culture médicale depuis la tradition hippocratique, à la pensée extrême-orientale de l’art, à la part déterminante de l’inconscient dans le processus de création, puis à la séduction des neurosciences.
De par sa conscience aiguë d’une interdépendance de tous les éléments qui composent ce qu’on appelle le vivant, il n’est pas d’œuvre, aujourd’hui, qui puisse nous interpeller davantage.