Au XVIe siècle, les protestants réformés, à Genève surtout, mais également dans la France huguenote, à Londres ou à Berne, intériorisent une conception originale du temps et appliquent une éthique particulière au déroulement de leurs journées. Des contraintes d’ordre spirituel règlent strictement leur rapport au temps, qui est d’abord conçu comme un rapport à Dieu. A chaque minute, Dieu surveille et veille sur ses fidèles, alors qu’à la fin des temps ceux-ci devront lui rendre compte de chacune de leurs minutes, répète sans cesse Jean Calvin dans ses sermons. C’est ainsi que les Genevois vont inventer une valeur moderne, la ponctualité, laquelle était inconnue des Anciens, des Médiévaux et même d’Erasme, de Vives, des premiers jésuites, ainsi que de Rabelais, Ronsard ou Montaigne. La ponctualité ne procède pas formellement d’innovations techniques, elle est d’abord une vertu spirituelle, sociale et disciplinaire.
C’est dans la cité de Calvin que des structures communautaires d’incitation et de contrôle sont instituées ; qu’un nouveau calendrier est élaboré ; qu’une économie nouvelle du temps et de ses parties est pensée ; autant d’applications de la ponctualité auxquelles les protestants, en particulier de confession calviniste, sont encore aujourd’hui redevables. Max Weber, Norbert Elias et Michel Foucault sont convoqués au terme de l’essai pour discuter L’Ordre du temps et comprendre l’invention de la ponctualité.