De tous les cinéastes, Murnau est peut-être celui qui a su organiser l'espace de ses films de la façon la plus rigoureuse et la plus inventive.
L'impression première que procurent ses œuvres est celle d'une animation de la surface entière de l'écran, en ses moindres détails, à chaque instant de la projection. Celle, donc, d'une maîtrise absolue de tous les éléments qui contribuent à l'expression plastique, et d'une imagination apte sans cesse à créer et combiner de nouvelles formes.
Le film de Faust nous paraît se prêter tout particulièrement à une étude sur l'organisation de son espace. La puissance de l'expression plastique prend manifestement le pas sur l'anecdote, en ce drame connu de tout spectateur. Les contemporains l'ont goûté, et nous le goûtons nous-mêmes comme une sorte d'opéra visuel, la mise en scène y tenant lieu de partition. Dans ce film, Murnau, au faîte de sa carrière, a su et a pu mettre en œuvre tous les moyens capables de lui assurer cette maîtrise totale de l'espace.
Eric Rohmer