Comment un bout de tissu peut-il convaincre tant d'hommes de mourir ? Saisissant un moment-clé de l'histoire européenne (1870-1945), Odile Roynette dresse la biographie d'un drapeau, cet objet sensible, et nous convie à comprendre ce que signifie le porter, le protéger, le capturer et le patrimonialiser.
Le 6 août 1870, à Woerth-Froeschwiller en Alsace, un drapeau d'infanterie français, celui du 36e de ligne, est divisé au terme d'une des plus sanglantes batailles de la guerre franco-allemande. Les Bavarois récupèrent une partie de cet artefact - l'aigle et la cravate - tandis que les Français parviennent à sauver la soie tricolore. Symbole de la patrie et du régiment, cet objet, entouré d'un culte dans l'armée et dans la nation françaises, est l'héritier d'une longue tradition vexillaire. L'histoire du combat pour ce drapeau, matériellement une extraordinaire loque, durera jusqu'en 1945.
Pour restituer son histoire, Odile Roynette croise les récits des contemporains, français comme allemands, et consigne surtout les désirs suscités par cette relique de part et d'autre de la frontière, nous menant ainsi au coeur d'imaginaires nationaux longtemps antagonistes.
D'un drapeau, haché par les conflits, la diplomatie, le passage du temps et l'atermoiement des politiques, c'est toute une part de l'histoire européenne oui se dessine, pour ne pas dire celle oui vient.