Le colza s'étendait en un flot régulier, tapageur, balafré çà et là d'une couleur verte, d'une écume frisottante d'oliviers, d'eucalyptus ou d'acacias brouillons. Une courte falaise l'achevait. Quelques arbres, enracinés sur le bord de la dépression, s'inclinaient au-dessus du vide.
L'orée du champ cachait une route ou un chemin que Giono ne pouvait voir d'où il se tapissait mais qu'il devinait, percevant le ronronnement caractéristique d'un véhicule à moteur. L'unijambiste qu'il surveillait maintenait son âne contre le tronc de l'un d'eux...
L'infirme se tassait derrière « la béte » comme s'il craignait d'être vu par l'automobiliste... Giono le regardait faire, intrigué, distingua une lame dans ses mains : un éclair fulgura et les fesses boueuses de l'âne s'éclairèrent d'une éclaboussure rouge.
Interdit, Giono constata que l'animal blessé se ruait en avant, plongeait dans la faille... Au bruit atroce du choc puis aux chuintements asthmatiques du moteur, il comprit que l'âne avait percuté le véhicule en contrebas, (extrait) - Tlemcen, Algérie, 2020 -