La figure de Cervantès n'a pas cessé de croître avec le temps et
à l'égal d'Homère, de Shakespeare, son contemporain, ou de
Goethe, il en est venu à incarner l'exemple immortel le plus
achevé du génie littéraire de son pays et même au-delà du
littéraire, du génie ibérique sous tous ses aspects. Cependant,
Cervantès n'est pas l'écrivain d'un seul livre. La renommée
universelle que lui a value le Don Quichotte de la Manche ne
doit pas condamner à l'oubli le restant d'une oeuvre qui pour
n'être pas extrêmement étendue n'en est pas moins empreinte
de puissance et d'originalité. Cervantès n'est pas davantage
l'écrivain d'un seul genre. Il les a tous cultivés, avec une réussite
variable il est vrai, mais porté par une énergie et une volonté
d'invention jamais démenties. C'est à travers le théâtre qu'il
espérait acquérir gloire et fortune mais la scène, en dépit de
ses efforts, lui tourna le dos pour sourire à son grand rival,
Lope de Vega, qu'il ne parvint jamais à égaler. La poésie ne
fut pas davantage un terrain favorable pour l'épanouissement
de son talent. Cervantès est donc passé à la postérité en tant
qu'écrivain de fictions en prose, autrement dit en tant que
romancier et nouvelliste. C'est là que l'extraordinaire acuité
de sa vision des hommes et des choses, de l'histoire et de la
littérature donne toute sa mesure.
Cet ouvrage met en perspective le génie romanesque de
Cervantès à travers un parcours intégral de son oeuvre et une
réflexion sur ses thèmes récurrents, sans omettre ses paradoxes
ni ses ambiguïtés.