Depuis ses premiers écrits des années 80, jusqu'aux récents essais sur la philosophie du langage, l'oeuvre de Paolo Virno s'est constituée autour de deux pôles, langage et action politique, établissant au fil du temps le vocabulaire critique de notre société postfordiste pour en dénoncer les mécanismes délétères. C'est de cette patiente élaboration dont témoigne ce livre, qui reprend l'intégralité d'Opportunisme, cynisme et peur (L'éclat, 1991), enrichi de nombreux textes de différentes périodes et factures, où la pensée se déploie par collisions. Le joueur de poker côtoie l'intellectuel précaire, la fin des flippers annonce la grande transformation industrielle, les prépositions grammaticales induisent une théorie de l'usage de la vie, etc. Et quand les « notions logiques et sémantiques se convertissent en catégories éthiques et politiques », cette unité de pensée se reforme sous nos yeux, comme s'il s'était agi de mettre en place une philosophie de la réparation qui guérirait la langue.