« Il y a, dans la situation actuelle du savoir humain, une circonstance bien remarquable, bien inattendue, et surtout bien caractéristique de l’état de certaines grandes et importantes questions spéculatives, c’est le peu de progrès qu’a fait la discussion sur le critérium du bien et du mal. Depuis l’aurore de la philosophie, la question du summum bonum, ou ce qui est la même chose, du fondement de la morale, est considérée comme un problème capital ; elle occupe les intelligences, les divise en écoles, en sectes guerroyant vigoureusement les unes contre les autres. Après plus de deux mille ans les mêmes discussions continuent, les philosophes sont rangés sous les mêmes bannières, et les penseurs et le genre humain tout entier ne semblent pas plus près de s’accorder que lorsque le jeune Socrate (si le dialogue de Platon est fondé sur une conversation réelle) écoutait le vieux Protagoras et affirmait la théorie de l’utilitarisme contre la morale populaire du sophiste. »