L’Utopie de Thomas More, référence originaire de l’utopie, se revendique platonicienne. Le fait est pourtant que la description détaillée de la forme achevée d’Utopie, en ne séparant plus l’essence intelligible de l’existence sensible, du coup immédiatement déterminée en vérité, présente une tout autre ontologie. L’indétermination utopique est alors fondamentalement dans la position imaginaire de cette cité parfaite supposée sans condition effective, ce qu’exprime spécialement le caractère « oblique » de l’écriture, et cela invite à revenir en contre-point sur le sens propre de l’« atopie » socratique. C’est dans cette perspective que l’ouvrage examine les éléments constitutifs de l’essence utopique : principalement le plaisir, le communisme, le travail et les lois, ou encore le mal et l’histoire. Le pivot de l’Utopie est l’humanitas qui, ancrée dans l’Infini divin, rend parfaite la Terre des hommes. L’ouvrage s’efforce en conséquence d’y rapporter les déplacements et les mutations qui, dans la tradition platonicienne comme dans sa critique, peuvent aider à comprendre le passage des Dialogues à l’Utopie. Son enjeu plus général est d’en dégager des utopismes, en particulier matérialistes, et ce du Fini à l’Infini.