Lyon et ses pauvres
Les dames de charité, les bonnes oeuvres, les patronages, autant d'images d'Epinal qui évoquent le monde de la charité aux XIXe-XXe siècles, mais aussi l'ambivalence des intentions sous-jacentes, entre générosité et bonne conscience. Dans ce domaine, la ville de Lyon semble occuper une place de choix. Au XIXe siècle, les élites locales décernent à leur ville le titre de « Ville des aumônes » ou de « Capitale de la charité ». En effet, la multitude d'oeuvres, présentes sur la place lyonnaise, permet de répondre à toutes les souffrances sociales de l'orphelin à la veuve, en passant par les incurables ou les ouvriers sans logement.
Par-delà la légende dorée ou noire de l'action caritative, il s'agit d'essayer de dégager les enjeux, les modalités et les acteurs qui se croisent autour de cette question sur une période charnière entre la Révolution française et la Deuxième Guerre mondiale. Le dynamisme lyonnais s'explique, en partie, par les rivalités, mais aussi les complémentarités et les collaborations entre acteurs privés et publics qui se jouent autour de l'assistance aux plus démunis. Des lignes de fracture traversent d'ailleurs les deux camps et évoluent, témoignant d'idéologies et de conceptions différentes. La mise en place d'une politique sociale à la fin du XIXe siècle ne sonne pas, pour autant, le glas de ce dynamisme. L'histoire n'est pas linéaire, ne se résumant pas à l'avènement d'un système public de prise en charge qui triompherait de la bienfaisance privée. Les oeuvres font évoluer leurs pratiques, tandis que les pouvoirs publics mettent à profit les savoir-faire des dames de charité.
Ville où se croisent des sensibilités différentes, Lyon fonctionne comme un laboratoire où s'expérimentent des prises en charge sociales. Capitale de la charité au XIXe siècle, Lyon a été le berceau de nombreuses ONG au XXe siècle, affirmant, ainsi, le poids d'une tradition de solidarité qui fait partie intégrante de l'identité lyonnaise.