Synonyme de cynisme compliqué de rouerie, le «machiavélisme»
a éclipsé Niccolò Machiavelli, Italien de la classe moyenne
devenu diplomate, qui courut les routes d'Europe pour le compte de
Florence : il connut la cour française de Louis XII, l'Allemagne de
Maximilien Ier et la Rome des Borgia, qui lui apprit tant de choses sur
les ressorts les plus sombres de l'âme humaine. Cela pour la défense
de sa patrie, qu'il aimait, dit-il, «plus que tout», cité opulente, mais
si petite qu'il lui fallut toute sa dialectique afin d'assurer sa survie
au milieu des guerres d'Italie.
Ce serviteur de la République, que les Médicis emprisonnèrent,
torturèrent et exilèrent, écrivit en 1513, une fois chassé du pouvoir,
le bref traité du Prince où, pour la première fois dans l'histoire de la
pensée politique occidentale, l'efficacité prenait le pas sur la morale.
Sans oublier un Art de la guerre qui renouvelait la doctrine militaire
du temps et le commentaire de Tite-Live où les jeunes États-Unis
vinrent chercher les fondements de leur Constitution. Pour ses
contemporains, il fut aussi un auteur de théâtre à succès, un bon vivant
grand ami des actrices, avant qu'une légende noire, forgée à la toute
fin de sa vie, n'assombrît définitivement l'image de ce penseur libre
venu apprendre au monde, qui ne le lui pardonna pas, que l'homme,
foncièrement, est mauvais.