Que ne lit-on et n'entend-on pas en France sur le modèle
allemand ? On fait en particulier très régulièrement l'éloge
de la rigueur budgétaire allemande, et de la capacité de
nos voisins à accepter de lourds sacrifices pour restaurer la compétitivité
de leur industrie.
Or, explique Guillaume Duval, ce ne sont pas là les véritables
raisons des succès actuels de l'économie allemande. Cette
réussite est due surtout aux points forts traditionnels du pays :
un système de relations sociales très structuré, un monde du
travail où le diplôme ne fait pas tout, un pays où l'entreprise
n'appartient pas aux actionnaires, une forte spécialisation dans
les biens d'équipement et les technologies vertes, une longue
tradition de décentralisation qui permet de disposer partout d'un
capital financier, culturel, social, humain suffisant pour innover
et entreprendre, etc. Au cours de la dernière décennie, le boom
des pays émergents a permis à l'industrie allemande de profiter
pleinement de ces atouts.
Au contraire, la profonde remise en cause de l'État social, menée
au début des années 2000 par le chancelier social-démocrate
Gerhard Schröder, a probablement fragilisé le modèle allemand :
le développement spectaculaire de la pauvreté et des inégalités
menace son avenir.
On l'aura compris, ce qu'il faudrait copier ce sont plutôt les caractéristiques
traditionnelles du modèle allemand que les réformes
récentes qui y ont été apportées. Il n'est cependant jamais aisé
de transposer les éléments d'un modèle national lié à une histoire
particulière. Une meilleure compréhension de la société et
de l'économie allemandes par les Français est en revanche indispensable
pour réussir à imaginer ensemble un avenir pour l'Europe.