Les infirmières m'avaient pourtant prévenu. Il n'empêche que lorsqu'elle se leva, dans la salle d'attente où je venais la chercher, j'eus un vrai choc. C'était l'été, il faisait chaud et elle avait mis une petite robe très simple, d'un rouge éclatant. Elle avait aussi les cheveux noirs de jais, s'était verni les ongles de mains et de pieds - du même rouge éclatant - et avait chaussé de légères sandales assorties à la couleur de l'ensemble. De maquillage, elle n'en avait pas. Il n'en était pas besoin. Elle avait dû descendre, en l'espace de quelques jours, à moins de quatre grammes d'hémoglobine, et son teint correspondait à ce qu'on en décrit dans les livres : une pâleur essentielle, une consistance de cire, empreinte dans la profondeur de la chair, qui faisait de sa présence une apparition irréelle, un être venu de très loin, au-delà des frontières de la vie, pour témoigner - de quelle énigme ? »
Ainsi s'introduit ce mal - anorexies « vraies », pathologies « factices » (Münchhausen, Lasthénie de Ferjol, pathomimes, etc.) - qui touche essentiellement des femmes faisant sacrifice de leur corps et monstration de leur ravage, ici décliné à la mode de la perversion. Des femmes révélant en somme ce qui, de la féminité, n'a guère d'autres façons de pouvoir se dire.