La marche sera mon antidote : partir pour arpenter les chemins de mes pas cadencés. Les miens comme ceux qui m'ont précédée. Ils tapent, remontent du sol et sonnent comme la cloche des âmes perdues. Sur ce trajet solitaire, les grands espaces se métamorphosent en pensées sauvages. Certaines se balancent en pétales de violettes, d'autres crépitent en éclats de quartz. Toutes ces coquilles telluriques me tombent au fond de l'estomac et créent le précipité de ma démarche.
Je veux me nourrir des vallées glaciaires parsemées de bombes volcaniques et de cailloux de granite. Je marche pour me laver, je marche contre le vide, je marche et en appelle au jour d'après.
En arpentant le chemin emprunté par Robert L. Stevenson il y a plus d'un siècle, Gwenaëlle Abolivier harmonise deux passions : l'écriture et la marche. À chaque pas qui l'éloigne de l'immobilité du quotidien, elle s'ouvre davantage à la littérature, tout en faisant corps avec le paysage cévenol et les multiples formes du vivant qui l'entourent. Sous le ballet aérien des milans royaux, elle partage l'errance du vieux Marvejols et de son ânesse Luce - incarnations innocentes, stevensoniennes, rencontrées au détour des sentiers - le temps d'une parenthèse toute en délicatesse. Au fil de ce voyage où elle tutoie le ciel, la solitude lui offre l'espace nécessaire pour penser la course du monde et l'horizon incertain. La discipline et la force du mouvement régulier composent par le récit une ode à la liberté.