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Les destins de l’Empire ottoman finissant et de l’espace postottoman ont été déterminés non pas par des « majorités silencieuses », mais par des acteurs souvent jeunes et issus des régions périphériques de l’Empire. Intégrés dans les échelons inférieurs de l’establishment civil et militaire, adeptes d’un nationalisme revanchard ou du social-darwinisme, serviteurs d’État et rebelles, ces hommes d’épée et de plume venus des marges prirent leur place dans l’histoire comme destructeurs d’Empire et bâtisseurs d’États, et pour certains comme auteurs de crimes de masse, dont le génocide des Arméniens constitue le point paroxystique.
Qu’il s’agisse de la jeunesse affiliée aux comités balkaniques, unioniste, ou de celle, baathiste, de l’Irak et de la Syrie, qui partagent tant de traits communs malgré le demi-siècle et les espaces géographiques qui les séparent, elles sont en réalité les « meilleurs produits » des systèmes qu’elles mettent à terre. C’est par cette dynamique que les « marges » semblent pouvoir s’ériger en acteurs quasi hégémoniques du changement et gagner dans un deuxième temps une indéniable centralité. Cette observation, khaldûnienne ou tocquevillienne, nous permet de saisir la nature extrêmement brutale de la rupture, mais aussi, dans certains cas, celle, tout aussi violente, des continuités qui s’établissent dans la durée entre l’« ancien régime » et le nouveau.