Grandes découvertes et évangélisation des Amériques, possibilités de reproduction à l'infini des
images et des récits offertes par l'imprimerie, circulation sans précédent des objets, des produits et
des personnes. Aux XVIe-XVIIe siècles, de nouvelles conditions historiques font que les images de la Vierge
Marie, soudainement, se multiplient, se diversifient, s'exportent partout dans le monde, ou presque.
Cette mondialisation de Marie, qui s'observe dans la littérature spirituelle et dans l'iconographie,
porte quelques auteurs audacieux, souvent liés aux ordres religieux qui participaient au premier chef
à ces échanges de biens symboliques, à entreprendre le recensement et le classement des images
dans de vastes ouvrages encyclopédiques, dont l'Atlas Marianus du jésuite Wilhelm Gumppenberg
est l'exemple le plus abouti.
Ces ouvrages, les topographies sacrées, sont aussi l'occasion pour certains auteurs de se prononcer
sur l'équilibre du monde, l'organisation de l'univers et la réalité des miracles avec l'ambition de
contrecarrer les périls du temps : les attaques protestantes contre le culte de Marie et des saints, les
positions des philosophes de la nature et des savants qui doutaient de l'action de forces surnaturelles
invisibles mais irrésistibles, et les progrès de l'astronomie qui tendaient à vider les Cieux de toute
présence surnaturelle et à laisser l'homme seul face à l'univers. Parler de Marie, c'était parler du
monde comme il devait aller, un monde où Dieu ne se cachait pas.
C'est ce moment clé de l'aventure de la science jésuite et de cette ultime tentative pour mettre tous
les savoirs anciens et modernes au service de la foi que cet ouvrage entend retracer, en croisant
histoire de l'art et histoire des sciences, anthropologie historique et histoire religieuse.