Les journées de 1917 qui «ébranlèrent le monde» ne furent pas, comme on l'a longtemps répété à la suite de John Reed, celles d'Octobre, c'est-à-dire celles du coup d'Etat bolchévique. Ce furent celles dites de Février - insurrection spontanée, émeute populaire, révolution totale.
Le lundi 12 mars au matin (le décalage de dates est dû à l'emploi, dans la Russie tsariste, du calendrier julien), une compagnie se mutine, à l'instigation d'un adjudant-chef, dans l'une des casernes de Pétrograd. Dans la nuit du jeudi 15 au vendredi 16, Nicolas II signe son abdication.
Soljénitsyne, qui a déjà montré le pays entrant dans la guerre (Août 14, «Premier nœud»), puis attendant dans une immobilité trompeuse l'arrivée de la tempête (Novembre 16, «Deuxième nœud»), suit maintenant pas à pas le déroulement de la révolution. Le présent volume ouvre le «Troisième nœud», intitulé Mars 17, et couvre cinq journées : les quatre premières, du jeudi 8 au dimanche 11 mars, voient la montée de l'agitation ; au cours de la cinquième, celle du lundi 12 mars, l'émeute éclate et se propage, irrésistible, comme du feu dans la paille.
Au fur et à mesure que l'avalanche grossit, que les événements se précipitent, le récit se fait plus rapide et plus haché. Des chapitres brefs, tourbillonnants, nous mènent partout : chez le tsar à la Stavka, auprès de l'impératrice dans les neiges de Tsarskoïe Sélo, dans les palais endormis ou bouillonnants de Pétrograd, dans ses ministères, ses casernes et surtout dans ses rues. Dense, scrupuleusement documenté, riche de points de vue contradictoires, le livre est avant tout mouvement : celui de la roue de l'Histoire dans sa course accélérée.