Fondée sous les auspices du père de notre modernité philosophique
Descartes, puis consolidée par des penseurs aussi importants que
Leibniz, Bolzano ou Husserl, la mathesis universalis paraît représenter
à elle seule l'ambitieux programme du «rationalisme classique».
Des philosophes tels que Husserl, Russell, Heidegger ou
Cassirer ont pu s'accorder en ce point. Le développement de la
«science moderne» aurait porté ce grand «rêve dogmatique» pour
mener vers son terme le destin de la métaphysique occidentale.
Pourtant les recherches historiques récentes ont montré que l'idée
de «mathématique universelle» existait bien avant Descartes, que
ce dernier ne revendiquait d'ailleurs aucune rupture sur ce point et
que sa réflexion se situait même assez clairement dans l'héritage
des Anciens. Comment dès lors justifier que les Anciens, avec lesquels
le programme des Classiques était censé rompre, aient pu
déjà se préoccuper de «mathématique universelle» ?
Plus simplement encore, de quoi se préoccupaient donc ces philosophes
sous ce concept ? Le regain d'intérêt pour la mathesis universalis
à la fin du XIXe siècle n'avait-il pas conduit paradoxalement à la
perte de son sens comme problème ? Cette étude a pour but de
suivre ces questions jusqu'à leur origine et de montrer leur importance
dans le dialogue entre mathématique et philosophie.