Si c'est à Bataille qu'il revient, sans nul doute, d'avoir écrit les textes les plus souverains sur l'érotisme, force est cependant de constater que l'extrême de l'art contemporain s'avère étranger aux catégories élaborées par l'auteur des Larmes d'Eros.
Tel est l'objet premier de ce petit essai: comprendre comment, aujourd'hui, le corps érotique se défigure et se reconfigure selon d'autres économies du désir.
Opérant une traversée des médias - arts plastiques, photographie, cinéma, mais aussi littérature et mode - Mauvais Genre(s) examine ainsi les jeux d'échange, toujours plus nombreux, entre érotisme et pornographie, et les nouvelles figures de l'obscène. Mais si la frontière entre érotisme et pornographie devient fragile, labile, d'autres phénomènes s'articulent, parfois de façon contradictoire ou paradoxale, pour dessiner une nouvelle corporéité: la dé-sublimation de la chair et la constitution d'un documentarisme sexuel; la tension entre ce que l'on pourrait appeler un "pôle froid", dont témoignent les corps lisses et aseptisés de l'imagerie virtuelle, et un "pôle chaud", lorsque le corps passe à l'acte, invente des postures de résistance contre l'ordre sexuel dominant. Corps travesti, androgyne ou queer, corps "artialisé" par les marquages des rituels sadomasochistes. Corps mutant enfin, dont s'esquisse en ce début de siècle la post-humanité.
Mais davantage encore: au-delà de la différence des sexes défendue par les tenants du naturalisme biologique ou ceux d'un freudisme figé, s'aventurer à penser, dans sa sexuation encore inchoative, la possibilité d'un troisième genre. Au-delà des "mauvais genres".