Dans Quand Robespierre et Danton inventaient la France, était avancée avec beaucoup de prudence, à propos de Robespierre et de l'absence de femme dans sa vie, une hypothèse, «hypothèse peut-être seulement de romancier» : «Et si cette solitude peut-être momentanée s'expliquait par une grande cause inconnue ? S'il était porteur en ces années d'un chagrin d'amour qu'il est capable comme personne de garder secret ?»
Ce gros livre achevé, tout le contraire d'un roman, cette interrogation ne me lâchait pas. Mon premier mouvement a été d'aller vivre à Arras le temps qu'il faudrait pour vérifier les bases au moins de cette hypothèse : ce qui reste à savoir de la «cousine» Anaïs Deshorties et de sa famille, de cette promesse de mariage dont a parlé la sœur Charlotte, etc.
Mais était-ce de mon métier ? Ce que le romancier avait avancé, au romancier, si possible, de le pousser plus loin.
Un roman ne peut vérifier une hypothèse : il peut en éprouver la vraisemblance. Le «roman historique» s'est trop contenté de s'amuser dans les trous de l'Histoire : pour le roman-hypothèse, la lacune devient objet essentiel d'une interrogation sérieuse. Ce qui forme et fonde, chez les individus d'une époque, psychologie, morale, sensibilité, pensée, culture, etc., relève aussi de la recherche ; sur ces foyers ardents, l'imagination peut souffler utilement.
A. S.