«Je n'ai pas rêvé. J'ai bien vu ma mère frapper mon
père avec un marteau. Je dois avoir entre deux et trois ans.
Mon père est infirme. Quand il met la main dans sa poche,
ça ne se voit pas. Il est même beau. Et fort. Un athlète. Dans
un film américain d'aujourd'hui, il serait incarné par un
type comme Antonio Banderas. J'ai vu des photos de lui,
jeune, avant que ma mère ne le quitte et ne lui interdise de
me voir. Sa main, toujours dans la poche.
Ma mère a frappé mon père sur sa main atrophiée qu'il
dissimule sous un gant de cuir noir. Je me souviens de
l'odeur du cuir. Désagréable. Surtout par temps chaud. Un
gant sans les doigts puisque dessous il n'y a pas de doigts.
Enfin si, comme une patte de chien, des bouts de chair
minuscules avec des ongles - des griffes - au bout.»