« Avoir vingt ans pour une défaite. Vingt-quatre pour une fausse victoire. Presque trente ans pour une promenade de santé au pays du matin calme. Chanter le « Cara el sol » dans une prison de Barcelone, le « God save the King » dans une boarding-house de Londres, « Just a closer walk with thee » en chargeant des supplétifs yétis du côté de la rivière Han. Faire le maquisard près de la Courtine. Le journaliste à Paris. Le prof de lettres à Besançon. Le propriétaire terrien à Montauban. Rêver de Chinchon et du Royal Scots Greys. Sortir à cinq heures pour prendre le thé avec un officier du King’s Own Scottish Borderers. Fréquenter des jeunes dames infréquentables. Jouer les solitaires mais haïr la solitude. Affecter d’aimer les alcools blancs mais préférer le Cointreau. Être indifférent à tout ce qui se passe en ne reculant devant aucune passion. Résister ac cadaver à un jeune emmerdeur qui vient vous parler de Kabylie et des Berbères... Vous croyez que c’est une vie ? Et pourtant... J’ai vécu des années flamboyantes et gothiques. J’ai chaussé les sabots du manant fidèle. Les cothurnes étroits du noble déconfit. Les lourds brodequins réglementaires de l’armée française. Les rangers des troupes d’élite. La seule philosophie que j’en aie retirée, c’est une indifférence délicieuse et polie. Et des cors aux pieds... »

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