Mémoires d'un mauvais sujet
« Je suis le cinquième enfant d'un capitaine d'infanterie tué quand j'avais dix-sept ans. Mes frères et soeurs avaient fondé sur ce décès des espérances entretenues par le notaire. Or on eut des dettes à me reprocher. Tout l'argent de la succession ne serait pas assez pour payer les excès que j'appelais mes succès. D'un commun accord on décida ma mère à me mettre hors de portée de me nuire à moi-même et de causer du tort à quiconque. On l'informa d'une ordonnance aux termes de laquelle il était permis de faire exiler les mauvais sujets de famille aux parents dont les enfants seraient tombés dans des cas de dérèglement capables d'exposer leur honneur et tranquillité. Je garde en mémoire les mots de cette ordonnance. Cinq années de ma vie sont enfermées là-dedans. Ces années prises à ma liberté je veux les rendre à la vie. »
C'est l'histoire véridique et formidable de la déportation vers la Désirade de soixante-dix libertins livrés par leurs familles au bon plaisir du roi. Les bouches et les sorts ont été scellés par lettres de cachet mais l'un des indésirables a témoigné de l'île où sont déjà des esclaves et des lépreux. Sa mémoire à vif est attisée par des pensées brûlantes. Il est pris dans un filet d'événements (guerre de Sept Ans, cession du Canada, colonisation de la Guyane à Kourou) qui donnent à comprendre ce qu'est la mer : un mur. Au bout du compte aussi : liberté. Le « mauvais sujet » du récit qu'on va
lire est quelqu'un dont les emprisonnements (de
Bicêtre au bagne en passant par les îles d'Amérique) ne font pas oublier, d'aventures en inventions, qu'il y a des raisons de ne pas désespérer.